Le festival

[BAND] Mighty Mo Rodgers

Mighty Mo Rodgers

Mighty Mo Rodgers -c- Yann CharlesLe pays du blues où nous accostons maintenant n’est pas une région mais un lieu nomade, un écheveau de routes et de cabarets, la patrie éparpillée de l’ouvrier noir de la musique : le chitlin’ circuit.

Cette tournée éreintante des ghettos urbains – de Indianapolis à Houston, Memphis, New Orleans, Macon… – inventera successivement rythm’n’blues, black rock’n’roll, deep soul, deep funk : les musiques électriques du sud profond, épaisses et « puantes » (funky), par les noirs et pour les noirs, dont le blues restera toujours le cœur.
Le Blues Rules en invite cette année un fils, Mighty Mo Rodgers, grandi dans une de ses étapes septentrionales, un bar d’East Chicago, à son apogée des années 40 à 60. Si le chitlin’ circuit s’est effiloché, victime de la démolition, pour le meilleur comme le pire, des Bronzevilles, si monsieur Maurice Rodgers a obtenu un diplôme universitaire et une respectabilité dont ne pouvaient rêver les bluesmen de la ségrégation, le blues est toujours là, et Mighty Mo porte haut le son et les valeurs, musicales et de vie, de cette époque héroïque et difficile.

Mighty Mo Rodgers reste un artisan, un ouvrier du blues…

Le son. Econome, appuyé, indéniablement blues – mais marqué par les attaques sèches du rock’n’roll de son adolescence, dominé par les résonances deep soul d’une voix rocailleuse entre Stax, Peacock et Specialty. Mighty Mo n’est venu que tard au blues, musique de maturité, sous l’influence de ses collègues de studio Sonny Terry et Jimmy Reed. Son blues n’est pas « la racine des musiques afro-américaines ». Il en est la synthèse, la moelle, ce qu’il reste quand on les dépouille à l’essentiel.

Les valeurs. Le travail, surtout et toujours, qu’on entend dans la précision de cet ancien producteur et requin de studio. Une compréhension globale des musiques afro-américaines, au-delà des étiquettes. La volonté d’un discours personnel, partant de sa propre expérience de vie – Mighty Mo préfère la composition à la reprise. Un regard incisif, mais jamais pontifiant, sur le monde et l’homme. Une modernité fondée dans la maîtrise de la tradition. Et l’efficacité, bien sûr, d’une musique qui doit toujours à la fois parler, émouvoir, et faire danser.

Malgré ses multiples récompenses – d’une nomination aux Grammy au Grand Prix de l’Académie Charles-Cros – Mighty Mo Rodgers reste un artisan, un ouvrier du blues, à l’image de ses héros de jeunesse qu’il entendait dans le bar paternel.
Ne ratez pas la visite de son atelier, installé sur la scène du Blues Rules 2016.

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(c) Photos: Didier Jordan // Yann Charles

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