Interview : Kenny Brown & Eric Deaton

The Black Keys with Eric Deaton & Kenny Brown

Prévus pour célébrer les 10 ans du Blues Rules Crissier Festival - malheureusement annulés l'an dernier - Kenny Brown & Eric Deaton ont reconduit l'invitation à cette année, nous en sommes ravis !

Durant ces 15 mois qui nous séparent de la décennie non-fêtée il s'en est passé des choses, et parmi les belles choses à noter, il y a eu la participation de ces deux compères au brillant album de Robert Finley, enregistré à Nashville dans les studios de Easy Eye Sound, chez Dan Auerbach (50% des Black Keys), et à la suite duquel, Dan, Kenny et Eric s'amusèrent à reprendre les morceaux du Nord du Mississippi, de Junior Kimbrough et RL Burnside, jusqu'à en faire un album en 10 heures d'enregistrement, sur un coup de tête, en 2 jours : Delta Kream.

A nos oreilles, cet album raisonne comme un hommage à ces musiciens des collines du nord du Mississippi, légendes méconnues bien que très régulièrement reprises sur la scène du Blues Rules Crissier Festival (et ailleurs), tant dans la simplicité apparente et la complexité réelle de la musique que dans cette approche joviale de ce Blues que RL définissait comme "juste à danser" (Blues ain't nothin' but dance music).
Nous sommes donc heureux de voir que ce Blues gagne des oreilles supplémentaires grace à cet album, que le festival annuel de Kenny - le North Mississippi Hill Country Picnic - défenseur du genre gagne en popularité, et que finalement le Blues Rules est légitime dans ce paysage.

Place maintenant aux questions, et aux réponses de Kenny (homme de peu de mots) et Eric !

★ ★ ★

Le Hill Country Blues a toujours été un genre resté discret, mais majeur pour beaucoup de musiciens célèbres. Peu ont d'ailleurs vraiment cité cette influence dans leur musique, et nous trouvons toujours ça bien quand ça arrive : ce qui fait que beaucoup de nouveaux auditeurs de ce genre sont déconcertés par le groove, le rythme de ce Blues assez éloigné de celui qui passe à la radio...

The Hill Country Blues has mostly always been discreet for the mass but really important for a lot of famous musicians from around the globe. Few of them have really paid a tribute to it, to that Blues that inspires them daily, we feel like it's always good when it happens, but most of the listeners are a bit disconcerted by the groove, the rhythm, of this special Blues, far from what they can hear in the radio...

► Quel conseil pouvez-vous leur donner pour entrer dans ce Blues ?
What can you tell'em to make them get into it?

Kenny Brown :

Fermez les yeux, laissez-vous aller et écoutez.

Close your eyes, let go and listen.

Eric Deaton :

Deux mots : Buvez du Moonshine ! - J'ai l'air de plaisanter, mais en fait non.
Cette musique est très différente du blues mainstream, et elle est très différente d'El Camino*. Le fait que les chansons de Hill Country Blues soient diffusées internationalement, grace aux radios Blues, Rock et Alternative, est un changement dans la programmation habituelle pour commencer, et j'adore ça !
Ce n'est pas de la musique grand public. C'est de la musique pour un abandon total, pour les festivités nocturnes, de la musique pour vous faire hurler à la lune. Un comportement respectable n'est pas recommandé. Cette musique n'est pas un divertissement léger. Si les auditeurs ont du mal à passer à un laisser-aller, à un état de conscience plus profond, en entendant cette musique pour la première fois - peut-être qu'ils ne sont pas préparés pour le groove de transe primal du Mississippi - alors peut-être qu'un avant-goût de la substance de leur choix peut aider à réaligner leurs neurones dans l'espace libre approprié. Puis le corps se met à bouger, le visage se met à sourire et tout va bien. Well Well Well !!

Two words: Drink Moonshine! --I'm kind of joking, but kind of not. This music is very different from mainstream blues, and it's very different from El Camino. The fact that Hill Country Blues songs are getting international airplay in Blues, Rock, and Alternative radio formats, because of this album, is a subversion of the norms of radio programming to begin with, and I love that! This is not mainstream music. This is music for total abandon, late night revelry, music to make you howl at the moon. Respectable behavior is not recommended. This music is not light entertainment. If listeners are having trouble being moved to a deeper state of consciousness through hearing the music for the first time- perhaps they're unprepared for the primal Mississippi trance groove- then maybe a taste of their preferred substance of choice may help to realign the neurons into the appropriate head space. Then the body begins to move, the face begins to smile, and all is well. Well, Well, Well !!

*El Camino : album des Black Keys qui a rendu le groupe mondialement connu.

► Comment êtes-vous venus à cette musique ?
How did yourself get into it?

Kenny Brown :

Le destin : Joe Callicott est devenu mon voisin, puis j'ai rencontré Bobby Ray Watson, Johnny Woods ,Fred McDowell et RL Burnside ; chacun d'eux m'ayant appris à jouer ou ayant eu une grosse influence sur ma musique.

Destiny: Joe Callicott moved in next door to me then I met Bobby Ray Watson, Johnny Woods ,Fred McDowell and RL Burnside who all taught me or had big influence on my playing.

Eric Deaton :

J'ai découvert le son du Hill Country Blues à l'âge de 15 ans lorsque j'ai vu un documentaire à la télévision intitulé The Land Where the Blues Began, filmé par Alan Lomax. C'est à ce moment-là que j'ai entendu pour la première fois R.L. Burnside, Napoleon Strickland et Othar Turner. Voir ce film a changé ma vie. À partir de ce moment-là, j'ai su que j'allais déménager de chez moi en Caroline du Nord pour le Hill Country du Mississippi dès la fin du lycée, afin de pouvoir faire partie de l'incroyable scène blues qui s'y déroulait à cette époque, dans les années 1990. Je voulais apprendre à jouer cette musique directement auprès des maîtres, principalement Junior Kimbrough et R.L. Burnside. Et c'est ce que j'ai fait.

I first discovered the sound of the Hill Country Blues at the age of 15 when I saw a documentary on TV called The Land Where the Blues Began, filmed by Alan Lomax. That was when I first heard R.L. Burnside, Napoleon Strickland and Othar Turner. Seeing that film changed my life. From that moment on, I knew that I was going to move from my home in North Carolina to the Hill Country of Mississippi as soon as I finished high school, so that I could be a part of the amazing blues scene that was happening there at that time in the 1990's. I wanted to learn to play this music directly from the masters, chiefly Junior Kimbrough and R.L. Burnside. And that's what I did.

► Définissez ce Blues en une seule phrase ?
In one sentence, what is your definition of this Blues?

Kenny Brown :

Boogie.

Eric Deaton :

Le blues qui est originaire du Hill Country, des collines du nord du Mississippi, est la racine des racines, la musique hypnotique des profondeurs des bois des collines, aussi profond que le blues peut l'être !

The Blues that is native to the Hill Country of northern Mississippi is the roots of the roots, the hypnotic music of the deep backwoods, as deep as the Blues can get!

► Qu'est-ce qui en fait un genre si unique, si spécial ?
What makes it unique, so special?

Kenny Brown :

C'est un sentiment qui vient du cœur.

The feeling from the heart.

Eric Deaton :

Cette musique est une version entièrement électrifiée de l'une des plus anciennes formes de musique américaine. C'est à la fois archaïque et moderne...

This music is a fully electrified version of one of the oldest forms of American music. It is archaic and modern simultaneously...

► Quelle est l'histoire (courte) derrière cet album ?
What is the (short) story behind this album?

Kenny Brown :

C'est juste arrivé comme ça, après une session d'enregistrement pour un autre album*, en 10 heures.

It just happened, after another session, in ten hours.

* Robert Finley - sharecropper's son

Eric Deaton :

Dan m'a engagé avec Kenny Brown pour faire partie d'une session d'enregistrement du nouvel album de Robert Finley, Sharecropper's Son. Il nous a embauchés pour trois jours, mais nous avons terminé notre travail sur l'album de Robert en un jour. Dan a donc appelé Patrick Carney pour les deux jours restants, et nous avons enregistré 11 chansons de Hill Country Blues en direct dans le studio, qui sont devenues l'album Delta Kream.

Dan hired me and Kenny Brown to be part of a recording session for Robert Finley's new record, Sharecropper's Son. He hired us for three days, but we finished our work on Robert's album in one day. So Dan called in Patrick Carney for the remaining two days, and we recorded 11 Hill Country Blues songs live in the studio, which became the Delta Kream album.

► Vous êtes vous amusés lors de l'enregistrement ? (On en a bien l'impression à l'écoute)
Did you guys had fun? (sounds like you did)

Kenny Brown :

Evidemment.

Sure.

Eric Deaton :

Oui, l'enregistrement du disque a été une explosion ! Cette musique est à la base du son des Black Keys depuis le tout début, et c'est la musique à laquelle Kenny et moi avons consacré notre vie. Tout était très naturel, nous avons fusionné immédiatement.

Yes, recording the record was a blast! This music has been a foundation of the Black Keys' sound from the very beginning, and it's the music that Kenny and I have dedicated our lives to playing. It was all very natural, we all gelled immediately.

► Nous savons que Dan est assez impliqué* dans le Blues du Nord du Mississippi, vous nous le confirmez ?
We know Dan is pretty supportive with the North Mississippi Blues, for years, can you attest?

Kenny Brown :

Oui, c'est bien vrai.

Yeah that’s right.

* Dan a joué avec T-Model Ford lors d'une fête chez ce dernier, a rejoint Garry Burnside sur la scène du NMSHCP en 2006, a produit des albums de Jimmy Duck Holmes, Leo Bud Welch, Robert Finley, ...

Eric Deaton :

Oui c'est vrai. Le tout premier disque des Black Keys contenait une reprise de Do the Rump de Junior Kimbrough. Et puis ils ont aussi sorti un CD de reprises de titres de Junior Kimbrough, Chulahoma.

Yes, that's true. The very first Black Keys record had a cover of Junior Kimbrough's song Do the Rump on it. And then they released a CD that was all of covers of Junior Kimbrough songs, Chulahoma.

► Un souvenir de cet enregistrement que vous aimeriez partager ?
A special memory with them you'd like to share?

Kenny Brown :

Nous nous sommes amusés à chaque fois que nous avons pu jouer ensemble.

We have had fun the few times we have played together.

Eric Deaton :

Dan a une grande photo en noir et blanc de Junior Kimbrough dans son studio d'enregistrement, Easy Eye Sound. Il l'affiche généralement dans la régie du studio, mais elle a été déplacée au centre de la pièce où nous étions tous assis en cercle à jouer, pendant que nous enregistrions l'album. C'est comme si Junior était là avec nous, supervisant tout.

Dan has a large black and white photo of Junior Kimbrough in his recording studio, Easy Eye Sound. He usually keeps the picture in the control room, but it was moved to the center of the room where we were all siting in a circle playing, as we recorded the record. It's like Junior was there with us, overseeing everything.

► Un mot au sujet du Blues Rules Crissier Festival ?
One word about the Blues Rules Crissier Festival?

Kenny Brown :

Génial.

Great.

Eric Deaton :

Vous êtes les meilleurs les gars!! J'ai hâte d'y revenir.

You guys are the best!! I can't wait to return.

► Autre chose que vous aimeriez dire à nos lecteurs en Suisse et en France ?
Something else you'd like to say to our Swiss & French readers?

Kenny Brown :

J'adore vos vins et fromages et j'espère que cette musique vous rendra heureux.

I love your wine and cheese and I hope this music puts a smile on your face.

Eric Deaton :

J'ai vraiment hâte de vous voir tous au Blues Rules 2021 !!

I'm really looking forward to seeing all of you at Blues Rules 2021!!